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Pierre Le Gouvello de Keriolet (1602-1660)

Témoignage de Monsieur de Bernières touchant la vie et la vertu de Monsieur de Quériolet.

« N’y ayant que la pure Foi et l’abandon à Dieu qui soit son appui… »

            Entre les mémoires que j’ai pu recouvrer pour augmenter la vie de Monsieur de Quériolet, on m’en a donné un, entre autres, que j’ai cru devoir ajouter ici ; parce que c’est comme l’abrégé d’une partie de ce que nous avons dit de lui et un portrait en raccourci de sa vie et de ses pratiques, et que j’estime qu’il ne sera pas inutile pour l’édification du Lecteur et pour lui donner une idée plus grande de la vertu de notre Pénitent, partant comme il fait  des mains d’un des plus grands Serviteurs de Dieu que nous ayons eu de nos jours. Ce Mémoire est tiré des écrits de Monsieur de Bernières, et desquels on a composé ce Livre admirable, intitulé le Chrétien intérieur, si fort estimé de toutes les personnes de vertu, pour les belles instructions qu’il contient. Voici donc comment ce grand homme a parlé de Monsieur de Quériolet dans les écrits qu’il a faits du temps même qu’il était encore en vie, suivant la connaissance qu’il avait eue de lui, dans une conférence qu’ils avaient faite ensemble un peu de temps auparavant. Je ne changerai rien en ses termes, afin d’être plus fidèle et de ne rien ôter à l’autorité d’un homme de si grande réputation, parce que j’y pourrais mêler du mien. Nous avons, dit-il (en parlant des voies par lesquelles Dieu se plaît à conduire les âmes qu’il chérit) remarqué beaucoup de choses qui procèdent d’une âme convertie et conduite de Dieu extraordinairement, qui seraient trop longues à écrire ; nous dirons seulement ce qui pourra nous servir dans la suite des voies de Dieu, où il faut que toutes les âmes, quoiqu’inégales en grâce, cheminent avec courage, avec fidélité et persévérance, s’y rencontrant des passages qui paraissent presque tous semblables.

            Premièrement, Dieu fait passer l’âme par des lumières et des sensibilités qui semblent anéantir les passions, donnant beaucoup de facilité aux exercices des vertus et à l’Oraison. Monsieur de Quériolet fut trois ans au commencement de sa conversion dans cet état de lumière de douceur et d’assoupissement de ses passions, avec tant de facilité que rien ne lui coûtait au service de Dieu.

          En suite de cet état, un autre suit d’ordinaire, savoir des tentations violentes, de difficultés aux exercices de piété, de confusions dans l’esprit, de lâchetés, de langueurs dans ses exercices et autres sortes de peines intérieures et extérieures, et surtout d’une croyance qu’on n’avance point dans la vertu, la nature devenant sensible plus l’on va en avant. Ici l’âme a besoin d’une grande patience, aimant les Croix que Dieu lui envoie pour éprouver sa fidélité et la purifier de plus en plus. Monsieur de Quériolet nous a assuré que la perfection de l’amour consiste à demeurer fidèle en ces fâcheux états, dans lesquels on souffre avec Jésus-Christ souffrant, et qui sont propres à cette vie mortelle, toute destinée aux combats et aux souffrances.

            Les dispositions d’union douce et paisible de paix et de tranquillité intérieure semblent n’être pas de si grandes faveurs que sont ces peines, il  faut les recevoir quand Dieu les donne, mais il faut aussi reconnaître que l’amour règne purement dans un intérieur plein d’angoisses et de ténèbres, de sorte qu’il ne sait bien souvent où il en est, n’y ayant que la pure Foi et l’abandon à Dieu qui soit son appui. C’est ce que dit très bien Notre-Seigneur, que Dieu ne se présente jamais pour secourir extraordinairement une âme que lorsqu’elle est abandonnée de toutes les créatures, parce que, dit-il, il est très difficile de demeurer fidèle dans cet état abandonné de l’âme. Pour en venir là, il faut beaucoup souffrir, il faut y tendre, et Dieu ensuite perfectionne l’âme.

            Il dit aussi que la voie la plus courte pour trouver Dieu, c’est la Croix. Il nous déclara différents passages où il avait été se trouvant un jour très harassé du chemin, quasi mort de faim, et même des tentations de se relâcher si violentes et des impressions si vives du mal, qu’il n’en pouvait plus, et il s’étonnait qu’une personne en cet état pût subsister en Dieu avec de si rudes attaques.

            Sa vocation était d’assister les pauvres, auquel exercice il a toujours eu et a encore une extrême répugnance avec une horreur naturelle des puanteurs et des saletés qui s’y rencontrent. Il ressent si fort les importunités des pauvres qu’il se trouve quelquefois si abattu et si dégoûté qu’il n’en peut plus, lui survenant de temps en temps de grandes appréhensions des travaux qu’il faut soutenir en la continuation de cet exercice. Et quoiqu’il continue sa vie pauvre et abjecte, il ne s’y accoutume pourtant point se voyant toujours plus sensible que plus il va en avant aux mépris et aux pauvretés.

            Allant un jour chez Monsieur le Chancelier avec Monsieur le Gaufre, il reçut de très grandes confusions, en lui-même, de n’avoir point entré, et il dit que pour mépriser les prospérités il trouve quelque facilité ; mais pour être fidèle dans les adversités, c’est là où il souffre épouvantablement et que cependant c’est la conduite de Dieu sur les âmes, comme il nous dit de sainte Brigitte à laquelle Dieu communiquait de grandes choses, quoique néanmoins il semblait se jouer d’elle, par mille travaux et mille épreuves, où il fallait qu’elle eût une fidélité d’amour admirable. Dans ses voyages il se souvient des Saints qui ont été travaillés de la sorte, et cela l’aide beaucoup à demeurer fidèle.           

            Enfin la nature est quelquefois si abattue d’être appliquée à Dieu et dans le silence durant le chemin qu’il n’en peut plus. Il ne se met point en peine des plaisirs et des sensibilités de sa nature et il dit qu’il s’est trouvé quelquefois dans des occasions d’affronts, où elle entrait dans des fougues extraordinaires ; et quelqu’un lui ayant dit que saint Paul n’était pas moins admirable, tout terrassé et abattu par les tentations les plus fâcheuses, que dans son ravissement au troisième Ciel. Monsieur de Quériolet répondit qu’il n’y a rien de si doux à la nature que l’empire et qu’il n’y a point de breuvage si amer qu’elle n’avalât aisément quand il y entre un peu d’applaudissement et d’approbation ; mais quand il n’y en a point du tout, ô qu’il est difficile à boire ; il dit souvent : Si compatimur cum Christo, et conglorificabimur. Il aime le silence et la solitude aux dépens de toutes ses amitiés humaines et de ses parents mêmes ! Ses amis sont les pauvres et ceux qui servent Dieu, fuyant ceux qui n’ont que l’esprit de la chair et du monde. Sa vocation est à faire de grands pèlerinages, dans lesquels il garde un jeûne perpétuel, avec la solitude et le silence continuel, se privant de la compagnie de ceux qui voyagent comme lui, et il dit que c’est sa plus grande mortification que d’être privé de la société des hommes. Il a même renoncé à voir les Religieux de son pays avec qui il ne converse presque point, quoiqu’il aille en leur église pour prier Dieu, mais il se prive de leur compagnie et de la consolation spirituelle qu’il en recevait pour jouir plus particulièrement de Dieu seul.

            Sa nature se trouva un jour si abattue qu’il en pensa mourir sur la place et, rencontrant en cet état quelques pauvres Matelots, il se soulagea un peu en parlant avec eux. Quoiqu’il fuie tous les hommes, il excepte les pauvres, qui ne le détournent point de Dieu.

            Le Diable forcé par les exorcismes lui dit un jour qu’il n’y a rien qui lui soit si opposé que la pauvreté, Monsieur de Quériolet disait aussi que c’est le pas le plus difficile de la vie spirituelle que d’être pauvre, parce qu’un homme pauvre est méprisé, négligé et fui, et qu’il se trouve encore en cet état des gens bien spirituels qui ne le connaissent point. Il disait de plus que les Croix s’augmentaient plus il allait en avant, et que le désir de prier Dieu s’accroissait aussi à proportion ; que plus il avait de respect pour Dieu plus il se tenait éloigné du Saint-Sacrement dans les églises ; qu’il aurait eu de grandes lumières l’espace de trois ans sur l’amour de Dieu, l’Enfer et le Paradis, mais qu’à présent tout cela s’était éclipsé et qu’il ne faut pas néanmoins s’étonner lorsque tout cela s’en va, mais qu’il faut toujours demeurer fidèle ; parce qu’enfin il n’y a partout que Croix, souffrances, mépris et tentations.

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