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gaële de la brosse

  • Deux beaux livres sur la Bretagne mystique

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    - Collectif (sous la direction de Yann Celton), Taolennoù. Michel Le Nobletz. Les tableaux de Mission. (Locus Solus, 2018), 88 p.

                Cet ouvrage très illustrée nous présente les cartes peintes que nous a laissé le vénérable Michel Le Nobletz (1577-1652), célèbre missionnaire jésuite en Bretagne qui était très savant (notamment en grec et en hébreu). Pour ce qui est de l’inspiration de ces images, les sources sont variées : livres d’emblèmes, imagerie jésuite (notamment pour illustrer les Exercices où l’on retrouve un certain aspect méthodique ici présent), cahier d’un Capucin (ce sont les Capucins qui sont à l'origine de ces images spirituelles comme dans les huit gravures du Vray miroir du pécheur), inspiration personnelle, etc. Ces cartes peintes étaient accompagnées de « déclarations » (ou explications manuscrites servant à l’explication des peintures devant un public à instruire dans la foi catholique).

                Celui qu’on a pu appeler l’ « apôtre du mépris du monde » s’apparente par certains aspects à un « fol en Christ » (certains l’appelaient ainsi « ar beleg fol », le prêtre fou). Homme de la mer ayant fini sa vie au Conquet (où il recevra dans son corps les stigmates de la Passion), il fera composer des cartes maritimes symboliques de « navigation spirituelle ». Les auteurs ont ainsi mis en exergue cette citation :

                « Ces rochers représentent plusieurs difficultés, répugnances et dangers, que les mépriseurs du monde rencontrent voulant servir Dieu en la mer orageuse de ce misérable siècle ».

                Rien qu’à ce style nous voyons bien que nous n’avons pas affaire à un « tiède » mais à un combattant de l’esprit enflammé du zèle divin. Une image évoque ainsi le personnage du « Désirant » et du chevalier « Amour de Dieu » :

                « Le Désirant est entré en la maison de l’amour de Dieu. De la plus grande connaissance de Dieu vient un plus grand amour » (p. 35).

                L’ouvrage distingue les « cartes de parcours » des « cartes symboliques ».

                Parmi les premières on peut retenir celle intitulée La Croix montrant le « chemin de perfection » de la « voie étroite » du Salut au milieu de deux autres ; représentation que le responsable de la bibliothèque diocésaine de Quimper et Léon Yann Celton rapproche à juste titre de la célèbre gravure illustrant La Montée du Carmel de saint Jean de la Croix dans une édition ancienne (1618).

                La partie sur les « Cartes symboliques » ou « Cartes énigmatiques » (par le P. Hervé Queinnec) a plus particulièrement retenu notre attention, notamment pour celle très intéressante de L’Exercice quotidien pour tout homme chrétien, plus connue sous le nom de Carte des Cœurs. On y voit les cœurs envahis par les péchés et le démon ou au contraire ceux qui sont enflammés de l’amour de Dieu et que survole la Colombe du Saint-Esprit. Un des cœurs représentés a ainsi comme titre L’oraison et la Fournaise pour forger les âmes. D’autres montrent le Christ frappant à la porte du cœur ou la fontaine du Christ saignant des pieds et des mains. Cette représentation générale nous fait penser à la Béatitude de l’Évangile : « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu ». De cette pensée sortiront les gravures illustrant l’Oratoire du Cœur de Le Gall de Kerdu et les « Images morales » de Vincent Huby. 

                Cet album a donc comme intérêt de nous présenter, parfois en détails, cette curieuse et originale pédagogie chrétienne par l’image, offrant une pensée symbolique riche et féconde autour principalement du thème du voyage initiatique de l’existence humaine et de la purification du cœur humble et dévot. Des pistes d’interprétation sont ouvertes mais pourrait être davantage approfondies. Par ailleurs, nous aurions aimé avoir plus de textes, qui sont rares, de ce missionnaire hors du commun dont la condamnation du monde est plus que jamais d’actualité.

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    - Olivier Ozégan Perpère (texte) – Klaod Roparz (photographies). Le Tro Breiz. Le tour de Bretagne. Des 7 collines sacrées aux 7 saints. (Coop Breizh, 2017), 128 p.

                Les sept stations du Chemin de Croix (l’un des tous premiers de l’histoire) élaboré par Maurice Le Gall de Kerdu (1633-1694), recteur de Servel - comme autant de pauses imagées pour la méditation de la douloureuse Passion - sont placées autour de l’église dans l’enclos paroissial et peuvent aussi faire penser au tracé initiatique du « voyage des Sept Saints » ou « tour de Bretagne ». La circumambulation dévotionnelle des fidèles, comme dans les anciennes « troménies », rejoint le pèlerinage sur le « chemin vert » qui mène au Paradis, en passant par les sept Évêchés de Bretagne tels les sept Églises dont il est question dans l’Apocalypse.

                Même s’il n’apporte pas de vraies nouveautés et peut utilement se lire comme une compilation en complément à l’excellent travail de Gaële de La Brosse[1], qu’il cite, le présent ouvrage offre aux lecteurs de nombreuses photographies permettant de se représenter au plus près la réalité des différentes étapes principales de ce pèlerinage (extérieur et intérieur) spécifiquement breton. Même s’il parle évidemment de religion, l’inspiration n’est pas toujours uniquement catholique et l’auteur s’essaie souvent à quelques considérations, notamment sur le septénaire, d’ordre plutôt symbolique ou ésotérique. Certaines pistes ainsi découvertes seraient certainement à approfondir ou à préciser davantage, en veillant à ne pas trop « fantasmer » sur des idées hypothétiques (par exemple la localisation exacte de la forêt de Brocéliande) ou tendancieuses (comme par exemple le pèlerinage aux Sept Saints instauré par Louis Massignon ou trop d’importance accordée au paganisme préchrétien).

                Nous retiendrons tout particulièrement les pages consacrées à Dol-de-Bretagne qui renferment des renseignements fort curieux (rejoignant en partie les plaquettes éditées par Christophe de Cène qu’il ne cite pas).

                Ces Sept Collines (comme celles de Rome) sont, d’Ouest en Est : le Ménez Hom (Montagne de la Sainte Combe, dans les Montagnes Noires, liée à saint Corentin fondateur du diocèse de Quimper) ; le Ménez Sant-Mikael (Mont Saint-Michel de Brasparts, dans les Monts d’Arrée, lié à saint Pol Aurélien fondateur du diocèse de Saint-Pol-de-Léon) ; le Ménez Bré (Colline des enchantements, sanctuaire des bardes, liée à saint Tugdual fondateur du diocèse de Tréguier) ; le Mané Gwen (Montagne Blanche, liée à saint Paterne fondateur du diocèse de Vannes) ; le Ménez Beler (ou Ménez Bel-Air, lié à saint Brieuc fondateur du diocèse de Saint-Brieuc) ; le Ménez Dol (ou Mont Dol, lié à saint Samson fondateur du diocèse de Dol-de-Bretagne) ; le Ménez Sant-Mikael (ou Mont Saint-Michel, lié à saint Malo fondateur du diocèse de Saint-Malo).

                L’activation de ces sept « centres spirituels » n’est pas sans rapport aussi avec ce que l’on appelle en Inde le réveil des chakras subtils dans le corps humain. Par exemple, le Ménez Hom correspondrait ainsi à la racine, le Ménez Sant-Mikael de Brasparts au sacré, le Mané Gwen au cœur et le Ménez Sant-Mikael au crâne. L’allumage de ces sept flammes sacrées montre finalement la victoire de la lumière sur les ténèbres et de l’Archange Saint-Michel sur l’ « antique serpent, le dragon » qu’il terrasse.

     

    [1] Tro Breiz, les chemins du Paradis. Pèlerinage des Sept Saints de Bretagne (Paris, Presses de la Renaissance, 2006).