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  • Revue Liber : Le Coeur glorieux

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    Liber. Connaissance - Amour - Action. Numéro spécial : « Le Cœur Glorieux » (automne 2020, n°5).

                Nous sommes en présence d’une revue marseillaise de qualité, soignée tant dans sa forme que dans son fond, d’inspiration « traditionnelle ». Ce numéro de Liber est spécialement consacré au symbolisme universel du cœur spirituel et notamment au culte du Sacré-Cœur[1]. Se proposant de fêter le trois-centième anniversaire de la consécration de Marseille au Sacré-Cœur lors de la peste de 1720, il commence ainsi par deux contributions :

    - l’une du Recteur de la basilique du Sacré-Cœur de Marseille (Mgr Jean-Pierre Ellul, « Sœur Anne-Madeleine RÉMUZAT »), consacrée à la figure spirituelle de la vénérable Visitandine Anne-Madeleine Rémuzat (1696-1730) s’inspirant du P. Jésuite Jean Croiset (1656-1738) qui a introduit le culte du Sacré-Cœur à Marseille[2].

    - et l’autre de la Conservatrice du Musée du Hiéron à Paray-le-Monial (Dominique Dendraël, « La création du musée du Hiéron sous les auspices du Sacré-Cœur »), qui évoque le projet hors norme du baron Alexis de Sarachaga (1840-1918) qui l’a fondé.

                Notre ami Gauthier Pierozak évoque quant à lui les travaux de Louis Charbonneau-Lassay (1871-1946), attaché à retrouver les traces iconographiques de l’ancienneté et de la permanence du culte du Sacré-Cœur et des Cinq Plaies du Christ (« Les «préfigurations» du Sacré-Cœur »). Pour exemple est donné à la fin du numéro un article (« L’image du Cœur-Sacré et les Armoiries des Souverains ») de l’archéologue de Loudun, ami de René Guénon (1886-1951) qui consacra lui aussi, dans Regnabit (1921-1929), une série d’articles de grande valeur au symbolisme du centre et du cœur. Ainsi, dans « Le Cœur rayonnant et le Cœur enflammé », Guénon rappelle le mouvement « anagogique » du symbolisme, nous permettant d’accéder à une réalité supérieure et intérieure, justement dans ce cœur que l’intelligence illumine et que la charité enflamme (ce dont le rationalisme et le sentimentalisme modernes n’offrent qu’une pâle et trompeuse copie). C’est ce que dit l’hymne Veni, Creator Spiritus, où le Paraclet « allume la lumière dans nos sens, répand l’amour dans nos cœurs ». Et le Livre des Proverbes nous enseigne que « la Sagesse réside dans un cœur intelligent » (14, 33). C’est à ce redécouvreur de la métaphysique traditionnelle que l’universitaire Jean-Pierre Laurent, qui est un familier de son œuvre et de son existence, consacre un article documenté et assez désabusé quant à la situation actuelle de ce qui peut rester des lumières de Paray-le-Monial : « Cœur et centre chez René Guénon, ou de l’usage des symboles ». L’auteur évoque l’action de Guénon et la réception de son œuvre dans certains milieux catholiques de son époque. Notons juste au passage que l’abbé Jean Châtillon (1912-1988), qui a été lié un moment à la Fraternité des Chevaliers du Divin Paraclet, a édité (aux Éditions du Cerf, en 1941, avec une introduction) L’Oraison du cœur (1683) du Dominicain Alexandre Piny (1640-1709), que l’auteur de l’article semble confondre (p. 159) avec L’Oratoire du cœur (1670) du recteur breton Maurice Le Gall de Kerdu (1633-1694) qu’il cite. Anne Sauvy[3] voit dans l’œuvre de Piny une version moins riche et profonde de l’oraison cordiale. Jacqueline Kelen dresse de son côté un panorama religieux de « La dévotion au Cœur divin dans la mystique chrétienne », allant, pour donner quelques noms de grands saints et bienheureux, de Gertrude d’Hefta (1256-1301) et Catherine de Sienne (1347-1380) à Thérèse d’Avila (1515-1582) et Marguerite-Marie Alacoque (1647-1690) pour les femmes et de Bernard de Clairvaux (1090-1153) et Francois d’Assise (1182-1226) à Padre Pio (1887-1968) et Charles de Foucauld (1858-1916) pour les hommes.

                La réflexion sur l’importance centrale du cœur comme siège de la volonté droite et du « sens du surnaturel » (pour reprendre une expression de Jean Borella) est continuée par rapport à d’autres voies spirituelles et initiatiques :

    - dans la métaphysique orientale (« L’expérience du Cœur dans le Shivaïsme du Cachemire – Vibration originelle et résonance »). Colette Poggi évoque les richesses de la « voie sans voie » ou « voie du Cœur », de « cette doctrine du Cœur-conscience » provenant du Tantra indien, où il s’agit d’« être relié au Soi, à l’essence du Cœur » (p. 83) et de pratiquer le « vide du Cœur » (cf. le taoïsme chinois). L’expérience originale de dom Henri Le Saux (1910-1973) y est évoquée.

    - dans l’Islam (Muhammad Vâlsan, « Le Temple et son cœur »), où l’on trouve notamment les enseignements d’Ibn Arabî (1165-1240). 

    - dans le Judaïsme (« Le cœur épique »). Georges Lahy rappelle l’importance de la Rouah qui souffle dans le cœur, s’intéresse à la respiration spirituelle contenue dans les deux lettres formant le mot cœur en hébreu : « Ce mouvement de va-et-vient, du laméd-béith, forme le mot lév [לֵב] : le cœur » (p. 121). Il évoque aussi les « trente-deux merveilleux sentiers de la Sagesse » (Sépher Yetsirah) à propos de sa valeur numérale (30+2) et explique la notion de « circoncision du cœur ».

    - dans l’illuminisme occultisant de Louis-Claude de Saint-Martin au 18e siècle (Serge Caillet, « La porte du cœur dans la tradition martiniste »). Il y est question de la « voie cardiaque » de la théurgie qui ressemble, par quelques aspects, à une certaine survivance passablement déviée d’une initiation cordiale authentiquement catholique. Notons que l’auteur ne mentionne pas les travaux de Jean-Marc Vivenza sur le même sujet[4].

                Citons encore la contribution de Philippe Subrini sur les images du cœur qui pourrait évidemment être bien complétée (« Petit parcours sur la représentation du cœur dans l’iconographie »), s’attachant à quelques enluminures médiévales, tableaux et emblèmes symboliques, et celle plus poétique d’Éric Unger (« L’architecture des cœurs »).

    Jean-Marc Boudier

     

    [1] Nous pouvons le considérer comme un complément au numéro spécial de la revue Contrelittérature de notre ami Alain Santacreu : « Au commencement est le Cœur » (n° 22, dixième année, L’Harmattan, 2010), qui pourrait être cité.

    [2] L’auteur donne par erreur (p. 15) la date de 1656 pour cette introduction par le P. Croiset.

    [3] Le miroir du cœur. Quatre siècles d’images savantes et populaires (Cerf, 1989).

    [4] Lire notamment : La Prière du cœur selon Louis-Claude de Saint-Martin dit le « Philosophe Inconnu » (Arma Artis, 2006) et Pratique de la prière intérieure selon Louis-Claude de Saint-Martin, pour conduire l’âme à l’union avec la Divinité (Éditions La Pierre Philosophale, 2015).

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